SAINTE-ROSE, CHRONIQUE D’UN MASSACRE ÉCOLOGIQUE ANNONCÉ
En sortant du bourg de Sainte-Rose, une petite route bifurque depuis la nationale, annoncée par un grand panneau de la communauté de communes du Nord Basse-Terre (1). Il fait état d’un arrêté préfectoral du 17 mars 2008 : « nous vous informons que la décharge de l’Espérance est fermée, tout contrevenant s’expose à des poursuites judiciaires. » Ça ne semble pourtant pas dissuader plusieurs véhicules particuliers, type pick-up, qui nous dépassent, chargés de déchets alors qu’avec des membres de l’association Espérance Environnement, nous cheminons entre les champs de canne. Nous les recroisons plus tard qui redescendent à vide...
En route avec les membres d'Espérance Environnement (photo FG)
Il fait déjà chaud et le chemin que nous empruntons ne cesse de monter. Deux tracteurs nous croisent, chargés de canne fraîchement coupée. Les gars nous saluent en passant. Ici ou là, quelques cases éparses. Nous nous arrêtons pour nous désaltérer à l’une d’elle où vit un sympathisant d’Espérance Environnement qui nous offre de l’eau fraîche puis nous reprenons l’ascension dans un décor majestueux. L’horizon est barré au loin par les montagnes de Basse-Terre, le paysage est modelé par les champs de canne, il y a quelques palmiers ici ou là, des cabris et des bœufs qui paissent tranquillement.
Une Guadeloupe authentique (photo FG)
Je savoure cette Guadeloupe authentique, épargnée par ces constructions anarchiques qui telles des verrues de béton, défigurent tellement de côtes. Ici, la nature a été préservée de la montagne jusqu’à la mer ! En effet, ce paysage qui en soit suffirait à enchanter n’importe quel amoureux de la nature présente en plus l’incroyable avantage de surplomber la mer caraïbe et ses dégradés de bleu turquoise.
Le charme commence à s’estomper lorsque nous arrivons sur le site de la décharge censée être fermée. Le très grand monticule qui a été recouvert de terre assez récemment continue malgré l’interdiction de recevoir tous types de déchets. Il est prévu que ce site soit incessamment sous peu grillagé ce qui mettra fin à des années et des années de nuisances causée par une décharge semi-sauvage, totalement illégale, mais dont les autorités s’étaient très bien accommodées depuis le passage de l'ouragan Hugo (2). Ce qui pousse les élus à fermer ce site, ce n’est malheureusement pas une soudaine prise de conscience de l’importance de préserver l’environnement dans un écosystème aussi fragile que celui d’un petit archipel, exposé qui plus est aux cyclones, à la montée des eaux que pourraient entraîner le réchauffement climatique ou autres plaies dévastatrices pour la population comme la pollution entraînée par les pesticides ou des décharges sauvages comme celle-là. Non, ce qui a poussé les élus à réagir, c’est l’amende mirobolante que l’Europe inflige à l’Etat français depuis 2006 pour chacune des quinze décharges sauvages que compte la Guadeloupe !
Peu importe me direz-vous, ce qui a motivé cette décision. Tout défenseur de l’environnement devrait se réjouir de la fermeture de cette décharge. L’auteur de ces lignes ne cache d’ailleurs pas sa satisfaction sur ce point. Il était temps de réagir ! Certes, mais la fermeture des décharges sauvages en Guadeloupe (celle de la Gabarre est programmée pour 2013 par exemple), oblige à repenser l’organisation du traitement des déchets en Guadeloupe. A côté du très gros monticule, une douzaine de bulldozers et autres engins de terrassement sont alignés dans un ordre martial et suffit à faire comprendre même au spectateur non averti, que ce site n’est peut-être pas totalement sorti d’affaire…
Tiens, des engins Caterpillar, voilà qui rappelle un autre combat (photo FG)
Dans le cadre du PDEDMA (plan Départemental d’Elimination des Déchets Ménagers et Assimilés), et au terme d’un appel d’offre, le Conseil Général a désigné la multinationale SITA SUEZ pour mettre en œuvre un Centre de Stockage des Déchets Ultimes (CSDU)…toujours sur le site de l’Espérerance ! Autrement dit, c’est toujours dans ce cadre idyllique que les déchets ménagers, mais cette fois de toute la Guadeloupe vont être enfouis. Et quand je dis de toute la Guadeloupe, il faut aussi comprendre les Îles du Sud : Marie-Galante et les Saintes.
(à suivre)
FRédéric Gircour (trikess2002@yahoo.fr)
(1) qui comprend Deshaies, Sainte-Rose et Lamentin.
(2) Hugo, de sinistre mémoire en Guadeloupe, a dévasté l'archipel en 1989.