mardi 25 août 2009

Du LKP a l'USTKE, de la Martinique a la Polynesie...


REVOLTES ULTRAMARINES ET CYCLONE SOCIAL

1. L´emprisonnement de Gérard Jodar (1)
Les mois de juillet et août ont été très chaud en Nouvelle-Calédonie. Tout est parti d´une banale histoire de licenciement qui pourrait presque prêter à sourire : une employée de la compagnie aérienne Aircal découvrant que son père avait voyagé avec sa maîtresse sur un vol Aircal, en a fait part a sa mère, violant le secret professionnel auquel elle était tenue. Le syndicat auquel la jeune femme renvoyée est affiliée a alors demandé sa réintegration, mais le directeur s´est catégoriquement opposé à toute négociation. Face à ce refus de dialoguer, le syndicat en question, l´USTKE a déclenché une grève qui n´a pas obtenu plus de resultats. Il a alors choisi d´occuper pacifiquement l´aéroport de Noumea pour dénoncer l´absence de dialogue social et l´enlisement du conflit. La reponse des autorités à cette action a été la répression violente. Face a la la brutalité des forces dites de l´ordre, une poignée de manifestants a reussi à se réfugier dans un avion qui était ouvert, pour echapper aux coups. C´est ce reflexe qui a conduit la cour d´appel de Noumea à condamner lourdement sept syndicalistes, dont le president de l´USTKE, Gérard Jodar. Ce dernier a ecoppé d´un an de prison ferme pour “entrave a la circulation d´un aeronef” !

Gérard Jodar, ah mais non, pardon, ça s´est Alex Lollia, figure du LKP (ou plutôt opposant au LKP ? On s´y perd) Toujours est-il que le T-shirt ne fait pas le moine !

2. Faire taire l´USTKE
La lourdeur de la peine au regard de la futilité de l´infraction ne peut que prêter à conjectures et nombreux sont ceux qui considèrent Jodar comme un prisonnier politique, incarcéré plus pour l´expression de ses idées que pour un acte, finalement d´une portée dérisoire et non prémédité. L´USTKE par la voie d´un communiqué de presse publié sur son site le 18 août, s´insurge contre la criminalisation du mouvement syndical par “l´Etat sarkozien” et dénonce “une stratégie de l´Etat relayée dans ses positionnements par la fraction ultra-libérale du patronat calédonien et d´une manière generale de la droite locale pour qui l´USTKE et sa branche politique, le Parti Travailliste, sont devenues une menace persistante, susceptible de contrarier leurs projets d´enrichissements colossaux, au détriment d´un développement économique durable.”

Ah voilà le vrai Gérard Jodar, président de l´USTKE. Et mais attendez, il est blanc ?! Ben mince alors, ça va pas faciliter la propagande gouvernementale pour présenter à l´opinion publique son syndicat indépendantiste comme un mouvement raciste... Ça c´est pas gentil, ça va obliger Frédéric Lefebvre, porte-parole du gouvernement à se creuser les méninges pour le discréditer et le trainer dans la boue autrement. Ne riez pas, ce n´est pas simple quand on n´a pas l´habitude de réfléchir. (source : AFP Marc Le Chelard pour Liberation)

3. Solidarité

L´USTKE qui se revendique independantiste et altermondialiste a reçu notamment le soutien appuyé de José Bové qui entretient avec ce syndicat une relation étroite depuis de nombreuses années, du NPA, du LKP bien sûr, mais aussi de la CGT nationale qui considère, dans un communiqué de presse datant également du 18 août, que “ces condamnations sont injustifiables. Elles sont un déni de démocratie, un abus de pouvoir doublé de mepris à relent colonialiste. Elles s´inscrivent dans le contexte néocolonial qui est celui de ce territoire où le MEDEF local et les représentants de l´Etat français agissent de connivence pour tenter de réprimer le premier syndicat de l´archipel.” Le communiqué se poursuit en ces termes : “La CGT met solennellement en garde le gouvernement : en favorisant la répression, les autorités françaises prennent la responsabilité de créer les conditions d´une nouvelle période de troubles sur ce territoire. Au contraire, tout doit être mis en oeuvre pour rétablir les libertés syndicales sur l´île et favoriser le dialogue nécessaire entre toutes les composantes de la société civile.”

4. A feu et à sang
En réponse à l´arrestation de son leader, l´USTKE a appelé à la grève générale. Commencée le 27 juillet, celle-ci a degeneré quand la police a tenté de déloger par la violence les barrages erigés par les manifestants. Ceux-ci ont tenté de resister et s´en sont suivis des affrontements très durs. Les jeunes kanaks defavorisés, jusqu´à ce stade étrangers au conflit social, ont alors laissé exploser leur colère et pendant plusieurs jours, des émeutes ont secoué l´archipel : voitures brûlées, magasins pillés, etc. La police a essuyé des coups de feu et une trentaine de gendarmes a été blessée la plupart par divers projectiles (contre cinq blessés côté manifestants selon les chiffres officiels). Le calme est revenu momentanément aux alentours du 6 août, quand un protocole d´accord a enfin été trouvé avec Aircal, incluant le payement des jours de grève. Néanmoins, Gerard Jodar et ses compagnons demeurent derrière les barreaux.

5. LKP et USTKE dans la ligne de mire du gouvernement
Les similitudes avec ce qui s´est passé en Guadeloupe au cours des 44 jours de grève générale sont frappantes même si l´ampleur du mouvement initié par le LKP est sans commune mesure avec les événemets d´août en Kanaky : le pourrissement d´un conflit social avec un refus de dialogue de la part du patronat, une collusion entre les intérêts de l´Etat et des grands patrons, une répression violente des syndicalistes pacifistes et desarmés quand le conflit social deborde sur l´espace public, l´embrasement d´une jeunesse marginalisée, sans avenir qui repond à la violence institutionnelle par une violence desordonnée et incontrôlée, la criminalisation de l´action syndicale. C´est pas à pas le schema qu´a suivi la Guadeloupe en février et cela démontre de facon inquiétante que le gouvernement n´a retenu aucune leçon de ce qui s´est passé aux Antilles et est toujours aussi disposé à jouer avec le feu. Au lieu d´accompagner les demandes sociales et de tenter d´y apporter des réponses, le gouvernement de Nicolas Sarkozy, comme à son habitude, fait le choix du tout repressif (on en a encore eu l´illustration à Montreuil où un jeune homme a perdu un oeil suite à des violences policières injustifiées et injustifiables :
http://www.rue89.com/2009/07/12/a-montreuil-la-police-vise-les-manifestants-a-la-tete ).

6. L´oeil du cyclone et les périphéries
Malgré des coups d´éclats sporadiques, la France metropolitaine, tel l´oeil du cyclone, est jusqu´a présent demeurée relativement calme en dépit des milliers de licenciements quotidiens et des mesures qui visent a faire payer aux déjà victimes de la crise, ses conséquences (selon le principe desormais bien connu de la privatisation des profits mais de la mutualisation des pertes). Après les banlieues, ce sont les péripheries ultra-marines qui se rebellent les unes après les autres et pourraient bien finir par contagier un hexagone jusqu´à présent muselé par des directions syndicales bien serviles vis-à-vis du gouvernement. Après l´embrasement de la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie Francaise vient d´entrer en grève générale le 17 août pour demander l´arrêt des licenciements économiques et pour exiger des mesures contre la vie chère. En Martinique, la grande majorité des stations services sont à nouveau en grève pour exiger le respect des promesses faites par l´Etat et les patrons en guise d´accord de fin de conflit début mars. Si cette action, tel un coup de semonce, a des chances de paralyser l´île soeur, reprendre le mouvement en ordre dispersé, sans les autres composantes du Collectif du 5 février est certainement une erreur que le gouvernement ne manquera pas d´exploiter. Plus que jamais, l´union de tous les secteurs progressistes de la société est seule à même de déjouer les sombres desseins de l´appareil répressif et capable de faire triompher les légitimes revendications qui ont vu le jour ici et là.

7. Rentrée sociale en Guadeloupe

Maintenant, reste à connaitre quelle sera la suite que les Guadeloupéens donneront en septembre à leur mouvement. Peuvent-ils décemment courber l’échine, baisser les bras en plein combat alors que rien n’est résolu, que les promesses qui ont justifié la suspension (et non la fin) de la grève générale ont été bafouées. La victoire est à portée de main à condition de rester unis et déterminés. Il me parait difficile que l’on puisse continuer à fonctionner comme si les 44 jours de fierté et de dignité retrouvées n’avait pas existés. En tout cas, l’auteur de Chien Créole, qui n’a toujours pas été muté de force à Roubaix, est prêt à écrire cette nouvelle page d’histoire de la Guadeloupe sur son site et vous donne rendez-vous en septembre pour la rentrée sociale.

FRédéric Gircour (chien.creole@gmail.com)

(1) Gerard Jodar se presente lui meme comme "un militant qui se bat pour plus de justice sociale, pour une juste et effective répartition des richesses, pour le rééquilibrage en faveur du peuple kanak, pour la construction d’un pays multiculturel dans le cadre d’une communauté de destin" (source : http://www.liberation.fr/politiques/0101585626-en-nouvelle-caledonie-nous-sommes-toujours-dans-une-colonie)