lundi 7 septembre 2009
CHANGEMENT D'ADRESSE
CHIEN CREOLE CHANGE D'ADRESSE, RETROUVEZ LE DESORMAIS A L'ADRESSE SUIVANTE : www.chien-creole2.blogspot.com
Mettez-le de suite dans vos favoris :)
mardi 25 août 2009
Du LKP a l'USTKE, de la Martinique a la Polynesie...
1. L´emprisonnement de Gérard Jodar (1)
Les mois de juillet et août ont été très chaud en Nouvelle-Calédonie. Tout est parti d´une banale histoire de licenciement qui pourrait presque prêter à sourire : une employée de la compagnie aérienne Aircal découvrant que son père avait voyagé avec sa maîtresse sur un vol Aircal, en a fait part a sa mère, violant le secret professionnel auquel elle était tenue. Le syndicat auquel la jeune femme renvoyée est affiliée a alors demandé sa réintegration, mais le directeur s´est catégoriquement opposé à toute négociation. Face à ce refus de dialoguer, le syndicat en question, l´USTKE a déclenché une grève qui n´a pas obtenu plus de resultats. Il a alors choisi d´occuper pacifiquement l´aéroport de Noumea pour dénoncer l´absence de dialogue social et l´enlisement du conflit. La reponse des autorités à cette action a été la répression violente. Face a la la brutalité des forces dites de l´ordre, une poignée de manifestants a reussi à se réfugier dans un avion qui était ouvert, pour echapper aux coups. C´est ce reflexe qui a conduit la cour d´appel de Noumea à condamner lourdement sept syndicalistes, dont le president de l´USTKE, Gérard Jodar. Ce dernier a ecoppé d´un an de prison ferme pour “entrave a la circulation d´un aeronef” !
2. Faire taire l´USTKE
La lourdeur de la peine au regard de la futilité de l´infraction ne peut que prêter à conjectures et nombreux sont ceux qui considèrent Jodar comme un prisonnier politique, incarcéré plus pour l´expression de ses idées que pour un acte, finalement d´une portée dérisoire et non prémédité. L´USTKE par la voie d´un communiqué de presse publié sur son site le 18 août, s´insurge contre la criminalisation du mouvement syndical par “l´Etat sarkozien” et dénonce “une stratégie de l´Etat relayée dans ses positionnements par la fraction ultra-libérale du patronat calédonien et d´une manière generale de la droite locale pour qui l´USTKE et sa branche politique, le Parti Travailliste, sont devenues une menace persistante, susceptible de contrarier leurs projets d´enrichissements colossaux, au détriment d´un développement économique durable.”
Ah voilà le vrai Gérard Jodar, président de l´USTKE. Et mais attendez, il est blanc ?! Ben mince alors, ça va pas faciliter la propagande gouvernementale pour présenter à l´opinion publique son syndicat indépendantiste comme un mouvement raciste... Ça c´est pas gentil, ça va obliger Frédéric Lefebvre, porte-parole du gouvernement à se creuser les méninges pour le discréditer et le trainer dans la boue autrement. Ne riez pas, ce n´est pas simple quand on n´a pas l´habitude de réfléchir. (source : AFP Marc Le Chelard pour Liberation)
3. Solidarité
4. A feu et à sang
En réponse à l´arrestation de son leader, l´USTKE a appelé à la grève générale. Commencée le 27 juillet, celle-ci a degeneré quand la police a tenté de déloger par la violence les barrages erigés par les manifestants. Ceux-ci ont tenté de resister et s´en sont suivis des affrontements très durs. Les jeunes kanaks defavorisés, jusqu´à ce stade étrangers au conflit social, ont alors laissé exploser leur colère et pendant plusieurs jours, des émeutes ont secoué l´archipel : voitures brûlées, magasins pillés, etc. La police a essuyé des coups de feu et une trentaine de gendarmes a été blessée la plupart par divers projectiles (contre cinq blessés côté manifestants selon les chiffres officiels). Le calme est revenu momentanément aux alentours du 6 août, quand un protocole d´accord a enfin été trouvé avec Aircal, incluant le payement des jours de grève. Néanmoins, Gerard Jodar et ses compagnons demeurent derrière les barreaux.
5. LKP et USTKE dans la ligne de mire du gouvernement
Les similitudes avec ce qui s´est passé en Guadeloupe au cours des 44 jours de grève générale sont frappantes même si l´ampleur du mouvement initié par le LKP est sans commune mesure avec les événemets d´août en Kanaky : le pourrissement d´un conflit social avec un refus de dialogue de la part du patronat, une collusion entre les intérêts de l´Etat et des grands patrons, une répression violente des syndicalistes pacifistes et desarmés quand le conflit social deborde sur l´espace public, l´embrasement d´une jeunesse marginalisée, sans avenir qui repond à la violence institutionnelle par une violence desordonnée et incontrôlée, la criminalisation de l´action syndicale. C´est pas à pas le schema qu´a suivi la Guadeloupe en février et cela démontre de facon inquiétante que le gouvernement n´a retenu aucune leçon de ce qui s´est passé aux Antilles et est toujours aussi disposé à jouer avec le feu. Au lieu d´accompagner les demandes sociales et de tenter d´y apporter des réponses, le gouvernement de Nicolas Sarkozy, comme à son habitude, fait le choix du tout repressif (on en a encore eu l´illustration à Montreuil où un jeune homme a perdu un oeil suite à des violences policières injustifiées et injustifiables :
http://www.rue89.com/2009/07/12/a-montreuil-la-police-vise-les-manifestants-a-la-tete ).
6. L´oeil du cyclone et les périphéries
Malgré des coups d´éclats sporadiques, la France metropolitaine, tel l´oeil du cyclone, est jusqu´a présent demeurée relativement calme en dépit des milliers de licenciements quotidiens et des mesures qui visent a faire payer aux déjà victimes de la crise, ses conséquences (selon le principe desormais bien connu de la privatisation des profits mais de la mutualisation des pertes). Après les banlieues, ce sont les péripheries ultra-marines qui se rebellent les unes après les autres et pourraient bien finir par contagier un hexagone jusqu´à présent muselé par des directions syndicales bien serviles vis-à-vis du gouvernement. Après l´embrasement de la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie Francaise vient d´entrer en grève générale le 17 août pour demander l´arrêt des licenciements économiques et pour exiger des mesures contre la vie chère. En Martinique, la grande majorité des stations services sont à nouveau en grève pour exiger le respect des promesses faites par l´Etat et les patrons en guise d´accord de fin de conflit début mars. Si cette action, tel un coup de semonce, a des chances de paralyser l´île soeur, reprendre le mouvement en ordre dispersé, sans les autres composantes du Collectif du 5 février est certainement une erreur que le gouvernement ne manquera pas d´exploiter. Plus que jamais, l´union de tous les secteurs progressistes de la société est seule à même de déjouer les sombres desseins de l´appareil répressif et capable de faire triompher les légitimes revendications qui ont vu le jour ici et là.
7. Rentrée sociale en Guadeloupe
Maintenant, reste à connaitre quelle sera la suite que les Guadeloupéens donneront en septembre à leur mouvement. Peuvent-ils décemment courber l’échine, baisser les bras en plein combat alors que rien n’est résolu, que les promesses qui ont justifié la suspension (et non la fin) de la grève générale ont été bafouées. La victoire est à portée de main à condition de rester unis et déterminés. Il me parait difficile que l’on puisse continuer à fonctionner comme si les 44 jours de fierté et de dignité retrouvées n’avait pas existés. En tout cas, l’auteur de Chien Créole, qui n’a toujours pas été muté de force à Roubaix, est prêt à écrire cette nouvelle page d’histoire de la Guadeloupe sur son site et vous donne rendez-vous en septembre pour la rentrée sociale.
FRédéric Gircour (chien.creole@gmail.com)
(1) Gerard Jodar se presente lui meme comme "un militant qui se bat pour plus de justice sociale, pour une juste et effective répartition des richesses, pour le rééquilibrage en faveur du peuple kanak, pour la construction d’un pays multiculturel dans le cadre d’une communauté de destin" (source : http://www.liberation.fr/politiques/0101585626-en-nouvelle-caledonie-nous-sommes-toujours-dans-une-colonie)
samedi 15 août 2009
Mes photos d'Haiti
C'est ce que je vous propose a travers plusieurs series de cliches que je publie regulierement depuis Haiti, des que je trouve un acces a internet : www.picasaweb.google.com/chien-creole
Decouvrez avec moi un pays vraiment etonnant et d'une beaute qui ne peut laisser indifferent.
vendredi 7 août 2009
Se faciliter la vie
LE NAVIGATEUR COMPATIBLE AVEC CHIEN CREOLE
Petit rappel : Chien Créole ne s’ouvre correctement qu’avec Mozilla Firefox (plus performant qu’Explorer ; logiciel libre contrairement à celui de Microsoft). En plus il y a beaucoup moins de virus qui circulent sur Firefox ! Sur ce site vous pourrez en toute sécurité télécharger Mozilla Firefox 3.5.2 : http://www.frenchmozilla.fr/ Ca prend 5 mn. Bonne navigation !
PS : C'est un logiciel libre et gratuit, je n'ai donc aucun interet particulier a leur faire de la pub.
Sainte Rose, 2eme partie
Même en vadrouille, Chien Créole garde la dent dure, pardon, le croc !
LE SCANDALE DE LA DECHARGE DE SAINTE ROSE
LE CONSEIL GENERAL EN QUESTION
1. Enfin le tri selectif ?
Frédéric Clet, directeur du traitement pour Sita Suez, l’entreprise qui va gérer la décharge, interrogé par Chien Créole se veut rassurant : « Sita compte présenter à la population un projet de Tri-Mécano-Biologique (TMB) qui serait financé par les fonds européens FEDER. Des conteneurs pour le verre, le carton, le métal et le plastique seraient installés pour chaque 50 maisons des communes du Nord Basse-Terre (Deshaie, Lamentin et Sainte-Rose) et une collecte serait régulièrement organisée devant les domiciles.
Frédéric Clet, directeur de traitement chez Sita Suez (photo FG)
Ce projet, qui a de bonnes chances d’aboutir est intéressant puisque la décharge de Sainte Rose n’est censée être prévue que pour les déchets ultimes, autrement dit non recyclables. C’est très bien qu’une multinationale ait ce souci mais là encore, cette préoccupation n’aurait-elle pas du être celle de nos élus et ce depuis longtemps ? Qui plus est, cette mesure ne devrait-elle pas être étendue à toute
2. Des annonces rassurantes
Concernant ces déchets venant des iles du sud, Frederic Clet est formel, ils ne traverseront pas le Grand Cul-de-Sac marin mais seront débarqués à Jarry puis acheminés par camion. A ce propos, quand Max Babianny de l’association Espérance Environnement parle de 400 aller-et-retours de camions par jour, Clet, lui, en évoque tout au plus 75. La vérité est sans doute entre les deux. Il ajoute que SITA fera effectuer deux fois plus d’enquêtes que le ministère ne l’exige, sur la qualité des eaux (y-compris souterraines), de l’air, de la faune et de la flore. Il n’empêche, était-ce vraiment inévitable de placer cet immense déversoir d’ordures a ciel ouvert dans un site écologiquement aussi sensible ?
Quant au méthane produit par la fermentation des déchets, il sera capté et viendra alimenter un moteur thermique, qui tout en purifiant le gaz à 900 degrés, produira de l’électricité. Enfin, des membranes sont censées empêcher que la terre ne soit contaminée même si l’association Esperance Environnement s’inquiète du fait qu’on ne sait pas comment la matière dont elles sont composées réagira sous un climat tropical...
3. Quand Conseil Général rime vraiment avec scandale.
Si nul ne conteste la nécessité d’une décharge légale et respectant un certain nombre de critères environnementaux, c’est le choix de l’endroit qui lui est assigné qui soulève l’indignation de la population. Alors que la pollution au chlordécone (1) empoisonne littéralement
Une décharge juste au-dessus du grand cul-de-sac marin (photo FG)
Notons au passage l’extraordinaire générosité du Conseil Général et de M. Ferdy Louisy qui gère ce dossier avec un enthousiasme exceptionnel, puisque la multinationale Sita Suez ne versera selon le bail que 25 000 euros par an. Pour
D’autre part, les conditions de l’appel d’offre étaient tronquées puisque selon les membres d’Esperance Environnement, Sita Suez connaissait parfaitement le dossier depuis plus d’un an alors que l’autre entreprise en lice n’en aurait pris connaissance qu’au dernier moment ! Tous ces éléments mis les uns à coté des autres nous amènent a nous interroger sur les motivations des membres du Conseil Général, à commencer par son président sans l’aval de qui un tel projet ne pourrait avoir lieu.
4. Un déni de démocratie
Le POS, Plan d’Occupation des Sols, stipulait que le site était incompatible avec un projet d’une telle ampleur. Qu’à cela ne tienne, le préfet a requalifié le dossier en Projet d’Intérêt General, ce qui permet de modifier le POS. Dans un cas comme celui-là, la loi oblige à conduire une enquête publique. Une première enquête sur l’installation de la décharge avait suscité une véritable levée de bouclier, avec plus de 5000 signatures contre le projet. Celle sur la modification du POS, plus abstraite a tout de même débouché sur une pétition de plus de 2000 signatures. Abondant dans le sens des habitants inquiets, l’enquêtrice indépendante désignée par le tribunal administratif a remis un rapport entièrement défavorable. Qu’importe, le préfet, monsieur Brot, a pris l’arrêté une semaine après, donnant raison au Conseil Général.
40 alvéoles comme celle-là, de 5000 m² sur 17 mètres de profondeur, vont être remplies d’ordures puis ensevelies dans la terre (photo FG)
Alors quand certains poussent des cris d’offrais sous prétexte que le LKP porterait atteinte au symbole de la démocratie que représentent le Conseil Général, en en franchissant l’enceinte, je ne sais pas trop s’il y a lieu d’en sourire ou d’en pleurer. Voudrait-on nous faire croire que la légitimité des institutions viendrait uniquement du fait qu’elles sont dirigées par des personnes ayant été élues ? N’est-ce pas nécessaire de rappeler à ces gens de temps en temps que le "demo" de démocratie signifie "peuple", ce qu’ils auraient tendance à oublier au profit du seul suffixe "-cratie", qui signifie pouvoir.
De même, si les discours de Richard Yaccou, maire de Sainte-Rose, vis-à-vis de ses administrés, vont généralement à l’encontre du projet, ça n’empêche pas le conseil municipal d’entériner la quasi-totalité des décisions en faveur de la décharge, à l’unanimité ! Les Guadeloupéens sont fatigués de ce double langage.
5. Réagir avant qu’il ne soit trop tard
Le LKP a provoqué un véritable sursaut citoyen. Nous ne saurions tolérer que l’intérêt du plus grand nombre continue à être bafoué au profit d’intérêts particuliers. D’autant que cela concerne le patrimoine écologique de l’archipel. Chaque guadeloupéen est concerné, chaque citoyen un tant soi peu conscient que nous sommes responsables de l’état dans lequel nous laisserons la planète a nos enfants ! Copier et diffuser ce texte le plus largement possible. Toute personne intéressée par cette cause est invitée à se rapprocher de l’association Espérance Environnement ( contact : mpetitjeanroget@wanadoo.fr )
FRédéric Gircour (trikess2002@yahoo.fr)
(1) Le chlordécone est un pesticide extrêmement nocif. Interdit aux Etats-Unis et en France métropolitaine, plusieurs ministres de l’agriculture, à commencer par un certain Jacques Chirac, ont signé des dérogations afin de continuer à écouler les stocks aux Antilles françaises, pendant des années. Ces mêmes Antilles comptent aujourd’hui le plus fort taux de cancers de la prostate au monde… Difficile d’y voir une coïncidence. Encore une preuve s’il en est du prix que nous payons nos "négligences" vis-à-vis de l’environnement… (à ce sujet, lire « L’île-Monde dans l’œil des pesticides » de Philippe Verdol, aux éditions Ibis Rouge).
PS : Chien Créole a contacté le bureau de M. Ferdy Louisy qui n’a pas jugé opportun de nous recontacter. Néanmoins, nos colonnes lui sont ouvertes s’il souhaite exercer un droit de réponse.
samedi 1 août 2009
Vodou haïtien, 3ème partie
SUR LES TRACES DES MYSTÈRES VODOUS EN HAÏTI (3)
Le houmfo, temple vodou, du houngan Samba’el, de son vrai nom Elien Isac, se trouve dans le quartier populaire de Montagne Noire, sur les hauteurs de Port-au-Prince. « Au temps de l’esclavage, c’est la forêt qu’on utilisait comme houmfo », me dit-il. Je lui récite de mémoire quelques vers de Baudelaire qui font naître sur son visage un large sourire :
« La nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers. »
Il ne connaît pas ce Baudelaire, mais c’était sûrement un vodouisant !
Le houmfo de Samba’el, comme tous les houmfos, se compose d’une pièce principale, appelée péristyle et d’une petite pièce adjacente.
Le peristyle de Samba’el et son poto-mitan (photo FG)
Le péristyle s’organise autour du poto-mitan, le poteau qui soutient tout le temple, sans lequel la bâtisse entière s’écroulerait. A son pied, de petites chaises forment un cercle sur lequel prennent place les hounsis, lors de cérémonies, pour entrer en communication avec les esprits, les loas, qui justement, descendent par le poto-mitan. Dans le terme hounsi, on reconnait le radical "houn" qui signifie esprit. Le suffixe féminin "–si" signifie chanterelle, qui chante. Ce sont les femmes qui servent le temple, par leurs chants, leurs danses et leurs prières, vêtues de blanc. Marie-Jeanne me précise qu’elle est à la fois mambo, c’est-a-dire prêtresse vodou et hounsi dans ce péristyle. Il n’y a donc pas une hierarchie bien etablie entre les deux fonctions.
Outre l’asson qu’il utilise notamment au dessus de la cruche pour la cérémonie du govi (voir article ci-dessous), Samba’el me montre plusieurs objets rituels déposés au pied du poto-mitan, comme la poudre avec laquelle on dessine les vévés au sol, ces dessins stylisés qui servent à invoquer les loas, les esprits du vodou, ou encore du gingembre séché, un bracelet en pattes de cabris pour les chevilles, qui en s’entrechoquant au rythme des pas de danse évoquent la pluie. Il y a aussi le fret kach, ce fouet qu’on utilise aujourd’hui pour appeler les loas du rite petro ou encore le paquet kongo, petite poupée artisanale qui renferme des plantes médicinales.
L’inventaire vodou ne s’arrête pas là : il y a bien sûr des tambours et puis aux murs du péristyle, les tableaux de peinture haïtienne inspirés du vodou. Dans un coin, on trouve un autel où sont entreposées de nombreuses bouteilles décorées au côté d’un buste de Dessaline, héros de l’indépendance.
Autel (photo FG)
Ce dernier fit appel à Ogoun Ferray, loa guerrier, lors de la fameuse bataille de la Ferrière ; celle-là même qui vit une armée d’esclaves triompher de la plus puissante armée de l’époque : celle de Napoléon Bonaparte.
Curieusement, je ne me souviens pas que l’on m’ait enseigné à l’école cet épisode pourtant unique dans l’histoire universelle.
4. Le triangle mystique
Pour Winthrop Attié, le houngan de Seguin, il existe en Haiti trois houmfors plus importants que les autres. Ils se situent dans la région de l’Artibonite, pas très loin de la ville des Gonaïves.
« C’est le cœur du vodou, m’explique-t’il, un triangle mystique formé par les trois "cours" principales, distantes de quelques kilomètres les unes des autres. Il y a déjà Lakou Souvnans (La cour Souvenance) (voir mes photos du pèlerinage vodou de la semaine sainte dans cette cour :
http://picasaweb.google.com/bourlingue/HaTiEtRPubliqueDominicaine#) qui symbolise la cour royale du Dahomay et donc le pouvoir temporel. Il y a ensuite Lakou Badjo, qui symbolise le pouvoir guerrier des Yorubas avec le rite nago. C’est là que Dessaline avait sa maison, ce n’est pas un hasard. Il y a enfin Lakou Soukri, de rite kongo, qui symbolise le peuple, la troupe. C’est aussi dans cette cour que les sociétés secrètes vodous tirent leur origine : bizangos, sampwels, etc. Quand ces trois pouvoirs (le temporel, le guerrier et le populaire) étaient réunis sous l’égide du spirituel, il s’en dégageait une puissance telle que les troupes de Napoléon n’ont pas pu y faire grand-chose. »
Je suis Elien Isac dans la petite pièce adjacente, beaucoup plus sombre, éclairée par la seule lueur de quelques bougies. Sur une étagère sont entreposés de petits pots, on les appelle "po de tèt". C’est là qu’on met l’esprit des morts. L’action qui consiste à prendre l’esprit de la personne s’appelle "desoune" (prononcez dessouner). Il y a aussi une grosse croix faite de branches, très rustique, avec toutes sortes de fétiches accrochés. Samba’el m’explique le sens de sa présence dans cet endroit : La croix symbolise le cimetière et donc le lien avec les esprits de nos ancêtres. Pour nous, la mort n’est pas l'opposé de la vie, au contraire, dans le vodou, vie et mort coexistent harmonieusement. Celui qui meurt donne la vie et nous croyons que nos parents qui nous quittent aident et accompagnent les vivants. Ils nous donnent la force dont nous avons besoin. » A mon grand étonnement et de la façon la plus naturelle du monde, il me montre le crâne de son grand-père, qui lui aussi était houngan et qui l’accompagne dans les cérémonies.
Samba’el dans son péristyle (photo FG)
Je remarque sur le sommet du crâne des coulées de cire de bougie et comprend à quel point nos cultures sont différentes. Pour nous occidentaux (si tant est que ce terme ait le moindre sens dans le cas précis puisqu’ Haïti est bien plus a l’ouest que l’Europe…), la mort nous inspire une terreur sacrée et on préfère vivre en refoulant l’idée même de la vieillesse et de l’inéluctable. Le vodouisant, lui, l’a longtemps vue comme une libération souhaitée et aujourd’hui comme une force.
Crâne du grand-père houngan de Samba’el (photo FG)
Malentendu indépassable : puisque l’Européen n’ose pas regarder la mort en face et n’y projette que des valeurs négatives, alors, ceux qui entretiennent un rapport, disons plus intime avec la mort, sont fatalement animés par des intentions négatives, pour ne pas dire maléfiques … Nul doute que cela a nourri la legende noire du vodou.
FRédéric Gircour (trikess2002@yahoo.fr)