vendredi 7 août 2009

Sainte Rose, 2eme partie


Même en vadrouille, Chien Créole garde la dent dure, pardon, le croc !


LE SCANDALE DE LA DECHARGE DE SAINTE ROSE

LE CONSEIL GENERAL EN QUESTION


Les décharges illégales que comptait la Guadeloupe ne semblaient pas poser de problème particulier à nos élus, pas plus que les ravages qu’elles occasionnaient à l’environnement jusqu’a ce qu’en 2006, l’Union Européenne ne condamne la France à payer une très forte amende pour ses graves manquements écologiques. Quand l’Etat a tapé du poing sur la table et demandé aux élus de régler ça dans les plus brefs délais, ceux-ci ont choisi la solution de facilité : sacrifier le terrain foncier du site de l’Espérance à Sainte Rose (voir la première partie : http://chien-creole.blogspot.com/2009/05/episode-1.html).



1. Enfin le tri selectif ?


Frédéric Clet, directeur du traitement pour Sita Suez, l’entreprise qui va gérer la décharge, interrogé par Chien Créole se veut rassurant : « Sita compte présenter à la population un projet de Tri-Mécano-Biologique (TMB) qui serait financé par les fonds européens FEDER. Des conteneurs pour le verre, le carton, le métal et le plastique seraient installés pour chaque 50 maisons des communes du Nord Basse-Terre (Deshaie, Lamentin et Sainte-Rose) et une collecte serait régulièrement organisée devant les domiciles.


Frédéric Clet, directeur de traitement chez Sita Suez (photo FG)


Ce projet, qui a de bonnes chances d’aboutir est intéressant puisque la décharge de Sainte Rose n’est censée être prévue que pour les déchets ultimes, autrement dit non recyclables. C’est très bien qu’une multinationale ait ce souci mais là encore, cette préoccupation n’aurait-elle pas du être celle de nos élus et ce depuis longtemps ? Qui plus est, cette mesure ne devrait-elle pas être étendue à toute la Guadeloupe, puisque, rappelons-le, à la fermeture du site illégal de la Gabarre, en 2013 et en attendant que d’autres décharges légales voient le jour, tous les déchets de la Guadeloupe, y-compris ceux de Marie-Galante et des Saintes atterriront à Sainte-Rose ?



2. Des annonces rassurantes


Concernant ces déchets venant des iles du sud, Frederic Clet est formel, ils ne traverseront pas le Grand Cul-de-Sac marin mais seront débarqués à Jarry puis acheminés par camion. A ce propos, quand Max Babianny de l’association Espérance Environnement parle de 400 aller-et-retours de camions par jour, Clet, lui, en évoque tout au plus 75. La vérité est sans doute entre les deux. Il ajoute que SITA fera effectuer deux fois plus d’enquêtes que le ministère ne l’exige, sur la qualité des eaux (y-compris souterraines), de l’air, de la faune et de la flore. Il n’empêche, était-ce vraiment inévitable de placer cet immense déversoir d’ordures a ciel ouvert dans un site écologiquement aussi sensible ?


Quant au méthane produit par la fermentation des déchets, il sera capté et viendra alimenter un moteur thermique, qui tout en purifiant le gaz à 900 degrés, produira de l’électricité. Enfin, des membranes sont censées empêcher que la terre ne soit contaminée même si l’association Esperance Environnement s’inquiète du fait qu’on ne sait pas comment la matière dont elles sont composées réagira sous un climat tropical...



3. Quand Conseil Général rime vraiment avec scandale.


Si nul ne conteste la nécessité d’une décharge légale et respectant un certain nombre de critères environnementaux, c’est le choix de l’endroit qui lui est assigné qui soulève l’indignation de la population. Alors que la pollution au chlordécone (1) empoisonne littéralement la Guadeloupe et a contaminé une grande partie des terres agricoles pour des siècles et pourraient donc parfaitement recevoir les ordures de la Guadeloupe ; alors que dans le même temps beaucoup s’alarment du fait que l’immobilier réduise chaque fois plus la part de ces terres agricoles ; le conseil général n’a pas trouvé mieux que de louer a Sita Suez, 65 hectares d’une excellente terre agricole, sur un site magnifique et au-dessus de l’incroyable réserve naturelle que constitue le Grand Cul-de-sac marin !


Une décharge juste au-dessus du grand cul-de-sac marin (photo FG)

Notons au passage l’extraordinaire générosité du Conseil Général et de M. Ferdy Louisy qui gère ce dossier avec un enthousiasme exceptionnel, puisque la multinationale Sita Suez ne versera selon le bail que 25 000 euros par an. Pour 65 hectares, c’est ce qu’on appelle une excellentissime affaire ! Or on sait, notamment depuis les problèmes en Sicile, que le traitement des déchets est extrêmement rentable, au point d’ailleurs que les mafias commencent à s’en emparer. L’association Esperance Environnement estime que le traitement des tonnes de déchets déversées dans le ventre de la terre devrait générer au bas mot, un chiffre d’affaires de 900 000 euros par an à la multinationale, sur la base (hypothèse basse) de 150 000 tonnes/an. Ce chiffre peut doubler en cas de circonstances exceptionnelles, comme la fermeture des autres sites…


D’autre part, les conditions de l’appel d’offre étaient tronquées puisque selon les membres d’Esperance Environnement, Sita Suez connaissait parfaitement le dossier depuis plus d’un an alors que l’autre entreprise en lice n’en aurait pris connaissance qu’au dernier moment ! Tous ces éléments mis les uns à coté des autres nous amènent a nous interroger sur les motivations des membres du Conseil Général, à commencer par son président sans l’aval de qui un tel projet ne pourrait avoir lieu.



4. Un déni de démocratie


Le POS, Plan d’Occupation des Sols, stipulait que le site était incompatible avec un projet d’une telle ampleur. Qu’à cela ne tienne, le préfet a requalifié le dossier en Projet d’Intérêt General, ce qui permet de modifier le POS. Dans un cas comme celui-là, la loi oblige à conduire une enquête publique. Une première enquête sur l’installation de la décharge avait suscité une véritable levée de bouclier, avec plus de 5000 signatures contre le projet. Celle sur la modification du POS, plus abstraite a tout de même débouché sur une pétition de plus de 2000 signatures. Abondant dans le sens des habitants inquiets, l’enquêtrice indépendante désignée par le tribunal administratif a remis un rapport entièrement défavorable. Qu’importe, le préfet, monsieur Brot, a pris l’arrêté une semaine après, donnant raison au Conseil Général.


40 alvéoles comme celle-là, de 5000 m² sur 17 mètres de profondeur, vont être remplies d’ordures puis ensevelies dans la terre (photo FG)


Alors quand certains poussent des cris d’offrais sous prétexte que le LKP porterait atteinte au symbole de la démocratie que représentent le Conseil Général, en en franchissant l’enceinte, je ne sais pas trop s’il y a lieu d’en sourire ou d’en pleurer. Voudrait-on nous faire croire que la légitimité des institutions viendrait uniquement du fait qu’elles sont dirigées par des personnes ayant été élues ? N’est-ce pas nécessaire de rappeler à ces gens de temps en temps que le "demo" de démocratie signifie "peuple", ce qu’ils auraient tendance à oublier au profit du seul suffixe "-cratie", qui signifie pouvoir.


De même, si les discours de Richard Yaccou, maire de Sainte-Rose, vis-à-vis de ses administrés, vont généralement à l’encontre du projet, ça n’empêche pas le conseil municipal d’entériner la quasi-totalité des décisions en faveur de la décharge, à l’unanimité ! Les Guadeloupéens sont fatigués de ce double langage.



5. Réagir avant qu’il ne soit trop tard


Le LKP a provoqué un véritable sursaut citoyen. Nous ne saurions tolérer que l’intérêt du plus grand nombre continue à être bafoué au profit d’intérêts particuliers. D’autant que cela concerne le patrimoine écologique de l’archipel. Chaque guadeloupéen est concerné, chaque citoyen un tant soi peu conscient que nous sommes responsables de l’état dans lequel nous laisserons la planète a nos enfants ! Copier et diffuser ce texte le plus largement possible. Toute personne intéressée par cette cause est invitée à se rapprocher de l’association Espérance Environnement ( contact : mpetitjeanroget@wanadoo.fr )


FRédéric Gircour (trikess2002@yahoo.fr)


(1) Le chlordécone est un pesticide extrêmement nocif. Interdit aux Etats-Unis et en France métropolitaine, plusieurs ministres de l’agriculture, à commencer par un certain Jacques Chirac, ont signé des dérogations afin de continuer à écouler les stocks aux Antilles françaises, pendant des années. Ces mêmes Antilles comptent aujourd’hui le plus fort taux de cancers de la prostate au monde… Difficile d’y voir une coïncidence. Encore une preuve s’il en est du prix que nous payons nos "négligences" vis-à-vis de l’environnement… (à ce sujet, lire « L’île-Monde dans l’œil des pesticides » de Philippe Verdol, aux éditions Ibis Rouge).


PS : Chien Créole a contacté le bureau de M. Ferdy Louisy qui n’a pas jugé opportun de nous recontacter. Néanmoins, nos colonnes lui sont ouvertes s’il souhaite exercer un droit de réponse.