Des nouvelles du front de Guadeloupe
38ème jour de grève générale : LES 200 EUROS ARRACHES, 1ère GRANDE VICTOIRE !
1° Rectification
Dans un article publié hier, je m’attardais sur l’état des négociations en Guadeloupe. Sur un certain nombre de points, notamment la suppression de la CSG et de la CRDS, il s’avère que mes interlocuteurs exprimaient plus ce que souhaite la tendance qu’ils représentent au sein du collectif, que la position assumée collectivement par le LKP. J’ai donc retiré l’article en question (reprenant certains passages pertinents tout de même) et je reviens sur cette question des 200 euros qui vient juste de faire l’objet d’un accord signé.
2° Modalités de l’accord
Le LKP et les représentants du patronat présents aujourd’hui autour de la table des négociations, avec la médiation des représentants de l’Etat, viennent de signer un accord sur la question des 200 euros d’augmentation des bas-salaires : pendant un an, les collectivités territoriales vont donner 50 euros par salarié. L’Etat de son côté versera 100 euros pendant 3 ans. La première année, le patronat n’aura donc que 50 euros supplémentaires à payer à ses employés, puis 100 euros après le désengagement des collectivités territoriales avant de prendre en charge intégralement les 200 euros dans 3 ans. Précisons que ces 200 euros ne seront assujettis ni aux charges salariales ni aux patronales.
3° 1,4 fois ou 1,6 fois le SMIC
Hier, un accord avait failli être trouvé au port autonome, mais la question de la proportion des travailleurs qui en bénéficierait posait encore problème. Le MEDEF voulant se limiter à ceux qui gagnent jusqu’à 1,4 fois le SMIC ; le LKP demandant qu’on aille jusqu’à 1,6 fois. Le MEDEF étant très isolé sur cette question, chacun sentait l’issue proche et inéluctablement en faveur des travailleurs guadeloupéens.
4° Communiqué du MEDEF
Cet après-midi, consternation au moment de reprendre les négociations : le MEDEF et la CGPME étaient purement et simplement absents. Lors d’une conférence de presse donnée au WTC de Jarry, ils ont fait la lecture d’un communiqué de presse signalant que la sécurité de leur représentant, Willy Angèle, n’était pas assurée et prétendant même qu’il « avait été victime d’une nouvelle agression [sans préciser en quoi ont consisté les précédentes !] d’Elie Domota ». Le communiqué parlait de climat d’insultes et de violence qui ne permettrait pas le dialogue social et dénonçait la surenchère dans lequel s’enfermerait un LKP qui ne se satisfait pas des 1,4 fois le SMIC et exige 1,6 fois.
5° Domota a enjambé sa table
Il y a bien eu un incident hier : environ à la moitié de la séance, les esprits se sont échauffés entre Domota et Angèle. Le MEDEF prétendait écarter les secteurs du tourisme, du gardiennage, du nettoyage, etc., des accords sur les 200 euros. Le ton est monté et Elie Domota aurait effectivement enjambé sa table alors que Willy Angèle se trouvait à plus de 10 mètres. Aussitôt des membres du LKP se sont interposés. L’incident, pour inacceptable qu’il est, n’a pas été plus loin qu’un de ces coups de poings qu’on donne sur la table ou même une chaise qu’on renverse pour marquer son exaspération dans des négociations très vives. A aucun moment Willy Angèle n’a été approché à moins de dix mètres par Domota et d’ailleurs, les négociations avaient repris normalement par la suite.
6° Une pétition restée lettre morte, hélas !
LKP ou patronat, qui dit vrai ? Si l’immense élan populaire suscité par la pétition lancée par Chien Créole pour la diffusion des négociations en direct avec été repris par les différents acteurs, patronat comme LKP d’ailleurs, nous ne serions pas en train d’épiloguer pour se demander si untel exagère, s’il y a eu ou non agression. Pour sa part, le préfet a fait savoir que la personne de Willy Angèle n’avait à aucun moment été mise en danger ! Que je sache, on peut reprocher un certain nombre de chose à ce préfet, mais pas celui d’être un allié malhonnête du LKP contre le grand patronat! On voit bien que le MEDEF cherchait un prétexte pour échapper aux responsabilités qui sont les siennes devant les travailleurs guadeloupéens et devant l’histoire.
7° Signé !!!
L’annonce de cette reculade a été très mal prise par les manifestants groupés en bas du lieu des négociations et on a pu craindre un instant des actes désespérés. Tout le monde veut trouver des solutions sérieuses et durables et le fait de faire traîner les choses en longueur pousse à bout des gens qui en sont à leur 38ème jour de grève générale ! Heureusement, le préfet est revenu sur sa décision et a accepté de négocier avec ceux qui étaient présents. A 0h30 dans la nuit du jeudi au vendredi, Elie Domota vient d’annoncer la signature d’un accord interprofessionnel sur la question des 200 euros sur la base que j’énonçais plus haut. En l’absence de Willy Angèle, les autres organisations patronales (UPEG, UCEG, UPA, etc.) ont signé l’accord qui engage de fait les patrons du MEDEF.
8° Poursuivre la lutte
Cette première victoire constitue un exemple formidable pour les travailleurs du monde entier, mais elle n’est pas sans risque : il ne faudrait pas que sur cette base, on oublie les autres points, et surtout la poignée de ceux qui doivent être traités prioritairement : quid de la question des retraites et des minimas sociaux par exemple ? Si nous n’avions fait tout ça que pour retourner aussitôt dépenser les 200 euros si durement acquis, chez Carrefour, pour acheter je ne sais quelle connerie, nous foulerions aux pieds toutes les valeurs qui nous ont portés pendant ces longues semaines de sacrifice. Le LKP a fait émerger une nouvelle conscience vis-à-vis de notre environnement, de la vision collective qui doit dépasser notre individualisme et consumérisme quotidien, il a entraîné dans son sillon des dizaines de milliers de citoyens engagés pour une cause juste et a commencé la construction d’une nouvelle identité guadeloupéenne sur des bases plus saines. La grève ne saurait s’arrêter juste pour 200 euros, parce qu’un premier accord a été trouvé. A priori et de l’avis de tous, les quelques points urgents restant peuvent trouver une solution rapide ; d’autant plus rapide que nous saurons maintenir le rapport de force qui joue en notre faveur. Et puis il faut bien dire que cet accord est imparfait et porte en lui les germes de révoltes pour demain : ceux gagnant jusqu’à présent 1,7 fois le SMIC, qui vont être dépassés par ceux qui gagnaient auparavant 1,6 fois le SMIC, vont-ils rester les bras croisés ?
9° Sprint final
Notre patience et notre résistance ont inspiré le respect et l’intérêt du monde entier, nous arrivons au moment du sprint final et la ligne d’arrivée est clairement en vue. Devons-nous nous arrêter et commencer à sauter de joie en proclamant notre victoire dans l’espoir que les autres derrière, écoeurés par notre démonstration, s’arrêteront et s’avoueront vaincus ou devons-nous au contraire poursuivre avec ce même moral, cette même force que nous ne soupçonnions pas mais qui va nous permettre de remporter la course ? Soyons encore plus nombreux à répondre aux appels à la mobilisation du LKP et montrons à tous ceux qui ont de tous temps parié sur nos faiblesses, nos divisions, nos lâchetés, notre lassitude, que ce temps-là est révolu et qu’en Guadeloupe, on reste doubout, et qu’on est fier d’ouvrir la voie pour les travailleurs du monde entier. Kenbé rèd !
FRédéric Gircour (trikess2002@yahoo.fr)
Dans un article publié hier, je m’attardais sur l’état des négociations en Guadeloupe. Sur un certain nombre de points, notamment la suppression de la CSG et de la CRDS, il s’avère que mes interlocuteurs exprimaient plus ce que souhaite la tendance qu’ils représentent au sein du collectif, que la position assumée collectivement par le LKP. J’ai donc retiré l’article en question (reprenant certains passages pertinents tout de même) et je reviens sur cette question des 200 euros qui vient juste de faire l’objet d’un accord signé.
2° Modalités de l’accord
Le LKP et les représentants du patronat présents aujourd’hui autour de la table des négociations, avec la médiation des représentants de l’Etat, viennent de signer un accord sur la question des 200 euros d’augmentation des bas-salaires : pendant un an, les collectivités territoriales vont donner 50 euros par salarié. L’Etat de son côté versera 100 euros pendant 3 ans. La première année, le patronat n’aura donc que 50 euros supplémentaires à payer à ses employés, puis 100 euros après le désengagement des collectivités territoriales avant de prendre en charge intégralement les 200 euros dans 3 ans. Précisons que ces 200 euros ne seront assujettis ni aux charges salariales ni aux patronales.
3° 1,4 fois ou 1,6 fois le SMIC
Hier, un accord avait failli être trouvé au port autonome, mais la question de la proportion des travailleurs qui en bénéficierait posait encore problème. Le MEDEF voulant se limiter à ceux qui gagnent jusqu’à 1,4 fois le SMIC ; le LKP demandant qu’on aille jusqu’à 1,6 fois. Le MEDEF étant très isolé sur cette question, chacun sentait l’issue proche et inéluctablement en faveur des travailleurs guadeloupéens.
4° Communiqué du MEDEF
Cet après-midi, consternation au moment de reprendre les négociations : le MEDEF et la CGPME étaient purement et simplement absents. Lors d’une conférence de presse donnée au WTC de Jarry, ils ont fait la lecture d’un communiqué de presse signalant que la sécurité de leur représentant, Willy Angèle, n’était pas assurée et prétendant même qu’il « avait été victime d’une nouvelle agression [sans préciser en quoi ont consisté les précédentes !] d’Elie Domota ». Le communiqué parlait de climat d’insultes et de violence qui ne permettrait pas le dialogue social et dénonçait la surenchère dans lequel s’enfermerait un LKP qui ne se satisfait pas des 1,4 fois le SMIC et exige 1,6 fois.
5° Domota a enjambé sa table
Il y a bien eu un incident hier : environ à la moitié de la séance, les esprits se sont échauffés entre Domota et Angèle. Le MEDEF prétendait écarter les secteurs du tourisme, du gardiennage, du nettoyage, etc., des accords sur les 200 euros. Le ton est monté et Elie Domota aurait effectivement enjambé sa table alors que Willy Angèle se trouvait à plus de 10 mètres. Aussitôt des membres du LKP se sont interposés. L’incident, pour inacceptable qu’il est, n’a pas été plus loin qu’un de ces coups de poings qu’on donne sur la table ou même une chaise qu’on renverse pour marquer son exaspération dans des négociations très vives. A aucun moment Willy Angèle n’a été approché à moins de dix mètres par Domota et d’ailleurs, les négociations avaient repris normalement par la suite.
6° Une pétition restée lettre morte, hélas !
LKP ou patronat, qui dit vrai ? Si l’immense élan populaire suscité par la pétition lancée par Chien Créole pour la diffusion des négociations en direct avec été repris par les différents acteurs, patronat comme LKP d’ailleurs, nous ne serions pas en train d’épiloguer pour se demander si untel exagère, s’il y a eu ou non agression. Pour sa part, le préfet a fait savoir que la personne de Willy Angèle n’avait à aucun moment été mise en danger ! Que je sache, on peut reprocher un certain nombre de chose à ce préfet, mais pas celui d’être un allié malhonnête du LKP contre le grand patronat! On voit bien que le MEDEF cherchait un prétexte pour échapper aux responsabilités qui sont les siennes devant les travailleurs guadeloupéens et devant l’histoire.
7° Signé !!!
L’annonce de cette reculade a été très mal prise par les manifestants groupés en bas du lieu des négociations et on a pu craindre un instant des actes désespérés. Tout le monde veut trouver des solutions sérieuses et durables et le fait de faire traîner les choses en longueur pousse à bout des gens qui en sont à leur 38ème jour de grève générale ! Heureusement, le préfet est revenu sur sa décision et a accepté de négocier avec ceux qui étaient présents. A 0h30 dans la nuit du jeudi au vendredi, Elie Domota vient d’annoncer la signature d’un accord interprofessionnel sur la question des 200 euros sur la base que j’énonçais plus haut. En l’absence de Willy Angèle, les autres organisations patronales (UPEG, UCEG, UPA, etc.) ont signé l’accord qui engage de fait les patrons du MEDEF.
8° Poursuivre la lutte
Cette première victoire constitue un exemple formidable pour les travailleurs du monde entier, mais elle n’est pas sans risque : il ne faudrait pas que sur cette base, on oublie les autres points, et surtout la poignée de ceux qui doivent être traités prioritairement : quid de la question des retraites et des minimas sociaux par exemple ? Si nous n’avions fait tout ça que pour retourner aussitôt dépenser les 200 euros si durement acquis, chez Carrefour, pour acheter je ne sais quelle connerie, nous foulerions aux pieds toutes les valeurs qui nous ont portés pendant ces longues semaines de sacrifice. Le LKP a fait émerger une nouvelle conscience vis-à-vis de notre environnement, de la vision collective qui doit dépasser notre individualisme et consumérisme quotidien, il a entraîné dans son sillon des dizaines de milliers de citoyens engagés pour une cause juste et a commencé la construction d’une nouvelle identité guadeloupéenne sur des bases plus saines. La grève ne saurait s’arrêter juste pour 200 euros, parce qu’un premier accord a été trouvé. A priori et de l’avis de tous, les quelques points urgents restant peuvent trouver une solution rapide ; d’autant plus rapide que nous saurons maintenir le rapport de force qui joue en notre faveur. Et puis il faut bien dire que cet accord est imparfait et porte en lui les germes de révoltes pour demain : ceux gagnant jusqu’à présent 1,7 fois le SMIC, qui vont être dépassés par ceux qui gagnaient auparavant 1,6 fois le SMIC, vont-ils rester les bras croisés ?
9° Sprint final
Notre patience et notre résistance ont inspiré le respect et l’intérêt du monde entier, nous arrivons au moment du sprint final et la ligne d’arrivée est clairement en vue. Devons-nous nous arrêter et commencer à sauter de joie en proclamant notre victoire dans l’espoir que les autres derrière, écoeurés par notre démonstration, s’arrêteront et s’avoueront vaincus ou devons-nous au contraire poursuivre avec ce même moral, cette même force que nous ne soupçonnions pas mais qui va nous permettre de remporter la course ? Soyons encore plus nombreux à répondre aux appels à la mobilisation du LKP et montrons à tous ceux qui ont de tous temps parié sur nos faiblesses, nos divisions, nos lâchetés, notre lassitude, que ce temps-là est révolu et qu’en Guadeloupe, on reste doubout, et qu’on est fier d’ouvrir la voie pour les travailleurs du monde entier. Kenbé rèd !
FRédéric Gircour (trikess2002@yahoo.fr)