OCCUPATION DU CENTRE D’APPEL D’ORANGE
« NOUS CONTINUERONS LE COMBAT » - ALEX LOLLIA
Chien Créole : Alex, on est déjà le 4 mars et il est une heure du matin, que faites-vous ici ?
Alex Lollia : Nous occupons le centre d’appel d’Orange. L’accord Jacques Bino, tel qu’il a été signé, met à l’abri les entreprises liées au MEDEF dont Orange. Il faut bien que le combat, tout en restant collectif, soit porté dans les entreprises afin que les directions adhèrent à l’accord interprofessionnel. On a affaire à un gros morceau ici. Nous avons décidé de précipiter la négociation avec les patrons d’entreprises qui privent les salariés de l’avantage de l’accord.
Alex Lollia - Se faire entendre des patrons du MEDEF (photo FG)
Chien Créole : quels modes d’action adoptez-vous ?
Alex Lollia : Le combat que nous engageons peut aller de la négociation classique jusqu’à l’occupation de l’entreprise. Dès lors que la forme de la lutte permet de faire avancer la situation collective et le degré de conscience des salariés, nous ne nous en privons pas. On se bat contre un système, contre la domination d’une classe sociale par une autre. Nous ne nous battons pas contre des individus, ce n’est pas ça le combat.
Chien Créole : Tu sais que certains vont crier aux méthodes fascistes…
Alex Lollia : La bourgeoisie et le patronat ne se privent d’aucun moyen pour assurer l’augmentation de leur richesse, pour s’assurer de la soumission des travailleurs.
CC : A quoi tu penses ?
AL : Aux menaces, au harcèlement, aux licenciements, au terrorisme contre ceux qui veulent construire une section syndicale. Celui qui est repéré avec cette intention est immédiatement licencié sous n’importe quel prétexte, même si les patrons savent que ça va leur valoir un procès aux prud’hommes, ils ont suffisamment d’argent pour ne pas s’en inquiéter. C’est une politique de la terreur.
CC : Tu peux me citer un cas?
AL : Je peux t’en citer des centaines, la famille Koury par exemple est coutumière du fait, on a vu ça encore dernièrement avec Air Antilles Express. Il nous faut, pour répondre à la démocratie bourgeoise dans laquelle on vit, développer une démocratie ouvrière, avec une liberté la plus large possible dans le débat et l’unité la plus profonde dans le combat. Nous inventons nos propres règles mais nous cherchons toujours la participation du plus grand nombre, ou du moins la compréhension du peuple. Toute victoire contre l’opinion publique est une victoire fragile, précaire.
Campement improvisé dans la bonne humeur au milieu des postes avec ordis (photo FG)
CC : Comment faites-vous pour faire connaitre votre combat ?
AL : bon, on n’a pas de télé, pas de radio, pas de journal mais on a un mégaphone. Il faut beaucoup marcher, de commune en commune, de quartier en quartier. Si la télé ou la radio nous permettent de nous adresser à des milliers de personnes à la fois, il n’y a rien de tel que le contact direct avec le peuple qui réagit, qui approuve ou désapprouve en fonction de ce qu’on dit ou fait et qui nous oblige à réagir à notre tour.
CC : Je ne sais pas si tu as lu l’article où je dénonçais ta position de ne pas vouloir débattre sur RFO avec le MEDEF avant qu’il ne signe l’accord Jacques Bino. Je parlais de position irréductible car c’est à mon avis précisément maintenant qu’il y a désaccord qu’il est important de débattre pour que la population se fasse son opinion.
AL : oui, je t’avais répondu un peu rapidement, c’était une connerie. Je suis d’accord pour dire qu’il faut débattre avec le MEDEF.
CC : Est-ce que tu redoutes que les forces de l’ordre essayent de vous déloger violemment ?
AL : Non, nous sommes déterminés mais pacifistes. Parmi nous, il y a des femmes enceintes, des enfants. Nous respectons le matériel et ne menaçons personne. Une répression sauvage serait une étincelle dans la plaine sèche. Et puis il y a beaucoup de matériel informatique ici. Dans une action musclée, tout pourrait être réduit à néant en un rien de temps. Non, personne ne veut réellement recourir à la violence. Les gendarmes ont bien essayé un peu plus tôt de nous persuader de désoccuper les locaux, par la conviction, les menaces et les pressions. Rien n’y a fait. Nous voulons que ça continue pacifiquement mais que les patrons prennent bien conscience de la détermination des employés à obtenir leur augmentation.
CC : Parmi vous, il y a des employés d’Orange syndiqués à la CTU ?
AL : Oui, bien sûr, nous les accompagnons. L’opération est menée par les employés et la CTU l’encadre. C’est la première occupation d’entreprise depuis le début du conflit.
CC : Que pensent les autres membres du LKP des initiatives de la CTU. Avec le GITL et depuis le premier jour, vous êtes un peu les électrons libres du mouvement.
AL : Personne ne nous a fait, ni ne peut nous faire de remarques sur les libertés que nous prenons dans les actions que nous engageons. Dès le départ, le principe a été clair : nous agissons ensemble, mais les organisations qui composent le LKP ne perdent pas leur identité. Quand nous estimons devoir agir pour renforcer la lutte générale, conduite par le LKP, nous n’hésitons pas. Nous veillons bien sûr à ce que la CTU ne fasse rien qui soit en contradiction avec la ligne du LKP. Nous recherchons au contraire l’efficacité et la complémentarité avec le mouvement général.
CC : Une dernière question, si le LKP signe demain le protocole de fin de conflit, quelle sera votre position ?
AL : Nous continuerons le combat pour l’application de l’accord Jacques Bino dans toutes les entreprises. Nous espérons que d’autres mèneront ce combat à nos côtés car il est juste, peut-être l’UGTG ?