DES NOUVELLES DU FRONT DE GUADELOUPE
44ème JOUR DE GREVE GENERALE : C’EST REPARTI DE PLUS BELLE
Dimanche 1er mars, au 40ème jour de grève, tout le monde disait le mouvement agonisant. On avait vu depuis quelques jours l’activité économique reprendre, les centre commerciaux faire le plein de consommateurs avides, les bouchons revenir sur les routes, beaucoup de gens aller à leur travail. Je m’étais rendu à la Mutualité en soirée en traînant les pieds. Le LKP demandait à la base de se prononcer sur la poursuite ou la suspension de la grève générale. Je craignais que nous n’entérinions la reddition, alors même que rien n’était signé et que parmi les points à traiter en priorité, beaucoup restaient en suspens. Si nous suspendions le rapport de force, c’était joué d’avance, tout ce pour quoi nous nous étions battu risquait de ne jamais voir le jour… Ce soir-là, nous étions des milliers et des milliers, serrés à ne plus pouvoir se retourner.
La foule devant le Palais de la Mutualité (photo FG)
A voir cette foule immense, j’ai interpellé un ami, retrouvé sur place : « autant de monde, ça veut dire quelque chose ! Qui peut encore parler de démobilisation quand on voit ça ?
Plusieurs protagonistes du LKP ont pris la parole sur la petite estrade et finalement, c’est Jean-Marie Nomertin, le porte-parole de la CGTG qui a lancé :
« Bon maintenant on va parler en français pour que les journalistes comprennent bien : que ceux qui sont pour la poursuite de la grève lèvent la main. »
Une forêt de bras s’est levée, pas une partie décidée et les autres qui auraient suivi. Non, d’un seul élan, comme un seul homme, et sans l’ombre d’une hésitation, nous avons tous levé la main, par milliers. D’y repenser j’en ai la chair de poule. Une telle détermination après 40 jours de grève, ça force le respect. Ca démontre aussi à quel point le LKP a eu raison de faire confiance à sa base en la consultant avant la prise de décision. Comme l’a très justement rappelé Nomertin : « Nous sommes vos représentants, c’est vous qui décidez. »
Lundi, nous avons manifesté devant Carrefour Destreland, très nombreux.
En route pour Destreland (photo FG)
Les gendarmes protégeaient l’accès du centre commercial. Les forces de l’ordre au service de la population et du citoyen qu’ils disent…
Devant Carrefour Destreland (photo FG)
Ce face à face était édifiant : des espèces de Robotcops armés et carapacés de partout, au service des intérêts privés d’un des plus grands exploiteurs des Antilles, en tous cas, sa plus grosse fortune, faisant face à une population qui se bat pour ses droits.
La population reste mobilisée (photo FG)
Après que plusieurs ont pris la parole devant l’ancien continent, nous sommes tous remontés dans les voitures et nous sommes rendus à Jarry, la grande zone industrielle. Les innombrables voitures ont provoqué d’impressionnants bouchons sur la quatre voies, puis nous avons manifesté dans Jarry pour demander aux patrons qui ne sont toujours pas signataires de ratifier l’accord Jacques Bino. L’actvité economique s’est quasiment arrêtée à notre arrivée. Dans le même temps, nous avons appris que le GITL (Groupe d’Intervention des Travailleurs en Lutte), émanation de la CTU, avait réussi le même exploit rue Frébault, la grande rue commerçante de Pointe-à-Pitre.
Aujourd’hui, j’apprends non seulement que Carrefour est fermé parce que ses employés sont en grève mais qu’une première entreprise a été occupée, à Jarry. On vient donc de franchir une étape complémentaire. Il est 3h00 du matin et j’en rentre à l’instant. Il s’agit du centre d’appel d’Orange, entreprise affiliée au MEDEF, située en face de la Librairie Générale. Là encore, c’est le GITL qui l’occupe pour exiger la signature de l’accord Bino.
Le centre d'appel d'orange occupé (photo FG)
Autrement dit, le mouvement, loin de s’essouffler est en train de gagner en vitalité, de durcir ses actions, de se radicaliser. Je publierai demain la longue entrevue qu’Alex Lollia m’a accordée dans les locaux occupés, parce que pour l’heure, il faut que j’aille me reposer.
FRédéric Gircour (trikess2002@yahoo.fr)