LIAISONS DANGEREUSES versus LYANNAJ KONT PWOFITASYION
Un fidèle lecteur de Chien Créole vient de m'envoyer un mail pour apporter un complément d'information sur l'enquête judiciaire qui vise Elie Domota. Edouard Boulogne, ici mis en cause, est aussi l'auteur d'un texte qui a énormément circulé par mail au début de la grève générale, où déjà il comparaissait les membres du LKP aux tontons macoutes haïtiens, sbires des dictateurs haïtiens Duvallier, aux mains tâchées de sang. Récemment, on a pu entendre Frédéric Lefebvre, porte-parole de l'UMP, reprendre cette métaphore à son compte pour fustiger Elie Domota, illustrant bien, s'il en était encore besoin, la perméabilité au sommet de l'Etat des thèses défendues par des gens très éloignés des principes républicains et qui dominent la Guadeloupe depuis des siècles. Inquiétante collusion... Avec l'autorisation du lecteur averti, je vous retranscris son mail :
"Bonjour,
Depuis le début du mouvement social aux Antilles, je consulte régulièrement votre blog. A l'occasion d'un commentaire récent concernant la mise en examen d'Elie Domota pour incitation à la haine raciale, je n'ai pu m'empêcher de vous faire mes propres commentaires qui viendront, sans doute, conforter votre thèse.
1/ Sur le procès à venir, d'abord, je suis convaincu que la plaidoirie de M. Prêtre, auprès d'un juge, sans doute métropolitain, pour demander, au droit des valeurs de la République, la condamnation du prévenu pour avoir offensé une communauté qui pratique avec rigueur et constance depuis quatre siècle, la plus stricte endogamie familiale, économique et sociale, aura beaucoup de panache. Et je ne doute pas que M. Domota saura, avec raison, s'en délecter.
2/ Sur la procédure, ensuite, je suis obligé de constater qu'elle coïncide avec la lettre ouverte au dit procureur, à valeur donc de plainte, d'un certain Edouard Boulogne, figure de la communauté béké et professeur de philosophie à la retraite, proche des catholiques intégristes et connu pour ses positions bienveillantes à l'égard de l'esclavage.
J'en veux pour preuve la conférence sur ce thème qu'il aurait prononcé en juillet 1999, au Mans, à l'invitation de l'association intégriste Renaissance Chrétienne, dont le texte est disponible sur son propre blog (http://www.lescrutateur.com/article-11445262.html).
Entre autre billevesées, on peut y lire, à propos d'un article paru à l'occasion de la commémoration de l'abolition : "L'outrance d'un tel propos, ne représente certes pas l'opinion générale. Mais elle vise cette opinion, elle joue sur les rancunes et ressentiments hérités de l'histoire, comme elle le fait ailleurs, et ici même en Europe, puisque analyser cette subversion intellectuelle, et réfléchir aux moyens de la contrecarrer est l'objet même de ce colloque."
En fait, pour Edouard Boulogne, les condamnations aujourd'hui, fréquentes, de l'esclavage ne visent qu'à intimider les "criminels contre l'humanité" et "il importe donc de réagir contre l'intimidation pour la vaincre."
Plus incroyable encore, il ose ensuite justifier l'esclavage en affirmant, à l'appui de sa thèse, qu'"il n'est peut-être pas inutile de rappeler que ce phénomène universel constitua peut-être dans des temps très anciens une sorte de progrès!"
S'il ne s'agissait que d'une opinion sur l'esclavage antique, on pourrait la mettre au compte de l'ignorance. Mais, lorsque le même affirme, à propos du régime de plantation, que "l''esprit de vérité oblige à dire que la vie dans les plantations n'était pas tous les jours à tout moment et pour tous, ce que nous en montrent les images d'Epinal des abolitionistes", plus aucun doute n'est permis. Nous sommes bien confronté à l'expression, à peine dissimulée, de la mentalité de "planteurs" esclavagistes qui subsiste au sein de la communauté béké.
Pour une personne telle que moi, presque ignorante des réalités sociales des Antilles françaises mais attentif à la polémique à propos des déclarations d'Elie Domota, les propos d'Edouard Boulogne sur l'esclavage, en préambule de sa récente lettre ouverte au procureur de la République en vue de la mise en examen du leader du LKP, témoignent de la persistance de l'esprit colonial le plus réactionnaire au sein des élites et de haute administration des départements d'Outre-Mer. D'où, finalement, l'intérêt d'un procès public que, comme sans doute, Elie Domota, j'apelle de mes voeux.
Gilles Vilain"
Retrouvez la lettre à l'origine de la plainte sur http://www.lescrutateur.com/article-28700374.html (que M. Boulogne ne se donne pas la peine de remercier Chien Créole pour la publicité faite à son site, c'est tout naturel entre bloggeurs !)