dimanche 15 février 2009

bilan de la réunion du 14 février


POUR LA St VALENTIN, UNE DECLARATION D’AMOUR DES METROS A LA GUADELOUPE ET AU LKP



1° La majorité invisible


En partant ce matin, samedi 14 février, j’ai pris un voisin en stop. Il m’a demandé jusqu’où j’allais et j’ai répondu la Jaille. « Ah ! » Je l’ai senti se raidir un peu. J’ai fait le rapprochement avec la nouvelle que j’avais apprise la veille : les opposants à la grève, auto-dénommés « la majorité silencieuse » appelait à une manifestation à la Jaille, quasiment à la même heure ! Je l’ai rassuré : « je vais à un rassemblement pro-LKP ! » Le sourire est revenu sur son visage. Finalement la pseudo-majorité silencieuse aura surtout été une majorité invisible, car faute d’un nombre de participants convainquant, ils ont annulé.



2° Un combat social et politique


La réunion convoquée par Chien Créole et le Repaire des amis de là-bas si j’y suis, a rassemblé une petite soixantaine de personnes dont une dame venue en stop depuis Basse-Terre ! Tout le monde a affirmé son soutien au LKP, et a expliqué en quoi nous étions concernés par ce combat au même titre que tous les travailleurs ou chômeurs vivant en Guadeloupe. Ceux qui comme moi, sont sur les manifestations depuis le début du mouvement ont rassuré les autres en leur expliquant que notre présence était saluée et que ça se passait vraiment très bien. Nous avons été unanimes pour dire qu’il ne s’agissait pas d’un combat racial mais bien social et politique et qu’il fallait que ça le reste. C’est aussi afin d’éviter tout amalgame dangereux sur la base de la simple couleur de peau, qu’il est important que l’on nous voit sur les manifs. On ne peut plus se contenter d’appuyer le LKP depuis chez soi, sans s’impliquer. En revanche, il ne s’agit pas de défiler en bloc, mais d’être présents sous plusieurs bannières, nous ne voulons pas créer une énième association, et surtout pas sur une base communautariste !



3° La Gwadloup sé tan nou (aussi)


Plusieurs antillais sont venus saluer cette initiative et rappeler combien il était important d’aller au-delà de nos différences, dans le respect et l’ouverture à l’autre. Il a été rappelé que le fameux hymne du LKP n’était pas à prendre au sens ethnique du terme :

« La Gwadloup sé tan nou

La Gwadloup sé pa ta yo

Yo pè kè fé sa yo vlé

Adan péyi annou. »

La Guadeloupe est à nous ; la Guadeloupe n’est pas à eux ; ils ne peuvent pas faire ce qu’ils veulent ; dans notre pays. Ce couplet est à l’origine d’un grand malentendu et d’un profond malaise chez beaucoup de métropolitains. Pourtant, le « nous » inclut tous ceux qui vivent, travaillent en Guadeloupe, la respectent, s’intéressent à la culture, échangent avec tous, sans vouloir imposer quoi que ce soit, à la mode coloniale, ni exploiter qui que ce soit. Nous avons-nous aussi notre pierre a apporté dans l’édification de la guadeloupéanité qui est en train de se contruire.



4° Hexagonal


Certains ont aussi exprimé leur rejet du terme métro, la métropole étant le pendant des colonies et cette appellation trop marquée par une époque que nous voulons aujourd’hui dépasser. Plusieurs propositions ont été faites. Pour ma part je retiendrai l’appellation « hexagonal », plus géographique, moins marquée par l’histoire. C’est ce nom (adjectif substantivé) que j’utiliserai désormais dans Chien Créole en lieu et place de "métro".



5° Concrètement


Concrètement, plusieurs initiatives sont ressorties de cette réunion, en voici quelques-unes :

- Créer un réseau de communication. A ce propos, les filles qui tiennent le site de Gaïa Soleil, sur le développement durable en Guadeloupe, ont proposé comme outil, leur forum en ligne.

- Avoir recours au co-voiturage pour se rendre sur les manifs, vu les difficultés pour se procurer de l’essence.

- Mener une réflexion plus profonde sur la Guadeloupe à construire.

- Faire un travail auprès des médias, à la fois locaux et nationaux.

- Organiser des garderies alternatives pour les parents qui ne veulent pas amener leurs enfants sur les lieux des manifestations.

- Multiplier les expériences, qui commencent à être menées, de comités de soutien, au niveau des municipalités et pourquoi pas des quartiers.

- Et surtout, surtout, se mobiliser sur le terrain, dans les manifs et sur les actions !


Suite à cette discussion, beaucoup se sont dit prêts à se rendre au Moule, cette après midi.



6° La presse et la question de la représentation.


La presse était très bien représentée. Une partie des débats a été diffusée en direct sur Canal 10 ; le journal France-Antilles était présent et j’ai été interviewé par la jolie Laura Senné, de RFO télé, qui a accordé un long reportage à cette initiative. (http://guadeloupe.rfo.fr/ cliquez sur Voir tous les journaux de l’outre-mer et le JT d’Afrique puis choisissez le samedi 14 février). J’en ai profité pour lui demander pourquoi RFO n’avait jamais relayé mon initiative de pétition exigeant que les négociations continuent à être diffusées en direct, tel que conclu lors du protocole sur la méthode signé par tous ceux qui ont commencé les débats. Elle a été très allusive sur le sujet mais m’a donné en aparté son opinion personnelle : les caméras obligeaient les différents acteurs a jouer un rôle, à défendre la posture qu’on attendait d’eux plutôt que de chercher réellement des solutions. Je ne lui donne pas tort, mais je crois en l’intelligence des citoyens et déjà certains masques étaient tombés lorsque tel ou tel faisait sa campagne électorale plutôt que de chercher à avancer. Ce dont il s’agit, c’est précisément de mettre fin à cette idée qui détourne tant de monde de la politique, selon laquelle il est bon de tenir un discours devant les citoyens et d’assumer une position différente dans leur dos, dans les cercles de pouvoir. Il est temps de faire le pari de la maturité du citoyen et d’assumer par exemple, qu’on fasse des concessions. Les Guadeloupéens peuvent le comprendre. Avec ce mouvement, nous avons une opportunité historique de rompre avec la façon de faire de la politique jusqu’à aujourd’hui, de réimpliquer réellement le citoyen. Au lieu de ça, on a brisé ce bel élan, cet intérêt incroyable, des citoyens Guadeloupéens, pour la vie de la Cité, pour la politique au sens noble du terme. Et puis comme je l’ai rappelé à Laura Senné, si les négociations avaient été télévisées, on n’en serait pas dans la situation actuelle où Jégo affirme n’avoir jamais rien promis concernant les 200 euros alors que le LKP prétend le contraire !



7° Par delà la grève


Cette réunion était une première et tout le monde est reparti très satisfait de la teneur des débats et de la dynamique qui semble enclenchée. Il nous reste maintenant à convaincre un maximum de gens autour de nous à descendre dans la rue et à continuer la réflexion sur les pistes d’actions qui se sont dégagées spontanément ce matin. La venue de Daniel Mermet, mardi en Guadeloupe, va espérons-le, donner un souffle nouveau à cet engagement des "hexagonaux" de Guadeloupe au sein du mouvement historique que nous vivons. Nous espérons nous réunir encore plus nombreux. Et puis comme je reprends la direction du repaire des AMG, je compte bien tout faire pour que cette dynamique se poursuive au-delà de cette grève et que le repaire soit un lieu de débat ouvert au plus grand nombre, Antillais de naissance ou d’adoption, pour continuer à contribuer à l’édification de cette nouvelle Guadeloupe que nous appelons de nos vœux, à cet autre monde que nous savons possible. Nous sortirons de cette révolution en marche, grandis, plus responsables, avec une vision collective, quelqu’en soit l’issue. Ayons conscience que nous sommes en train de semer les graines d’un avenir meilleur, modestement et génialement, bien sûr, alors kembé red, pa moli !


Frédéric Gircour