INSTANTANÉ DE L’ETAT D’ESPRIT DES GUADELOUPÉENS
1° « Le 20 janvier dernier, un collectif a initié un mouvement pour lutter contre l’exploitation outrancière, Selon vous ce mouvement était-il justifié ? »
A cette question posée du 06 au 11 mars 2009 par l’institut de sondage Qualistat, 93% des Guadeloupéens interrogées ont répondu : Oui.
(http://www.qualistat.fr/Qualistat/Telechargement/downloads/Societe/Les_guadeloupeens_et_la_greve_generale_du_LKP-Mars-09.pdf
et
http://www.qualistat.fr/Qualistat/Telechargement/downloads/Societe/Le_bilan_de_la_greve_generale_en_Gpe-Mars-09.pdf )
Ce résultat faisant l’objet de vives critiques, le CAGI (Centre d’Analyses Géopolitique et Internationale) a invité des responsables de Qualistat a venir expliquer leurs travaux et leur a donné la parole en ouverture du colloque qu’il a organisé le vendredi 20 mars 2009. Qualistat est un institut qui réalise des enquêtes depuis 12 ans. Sur la méthode tout d’abord, les sondeurs expliquent que l’enquête a été réalisée sur un échantillon représentatif de 512 personnes(1), toutes majeures. Qualistat s’est évertué à respecter certaines caractéristiques sociologiques(2) mais dans le même temps, le sondage a été réalisé de manière anonyme(3).
2° 78% de soutien dans l’hexagone
En premier lieu, les intervenants relativisent le résultat en précisant que le mouvement des transporteurs(4) avait recueilli 94% d’opinion favorable. Toutefois, ils rappellent également que le sondage réalisé en France hexagonale le 26 février révélait lui que 78% des Français trouvaient le mouvement justifié. Il faut remonter à 2004 pour retrouver un tel consensus sur un conflit social en France. 75% des personnes interrogées par Qualistat déclarent avoir soutenu le mouvement, 39% reconnaissent avoir pris part au moins à une manifestation ou à un meeting. En tous cas, ces résultats doivent faire grincer des dents parmi l’auto-proclamée « majorité silencieuse », qui tout au long de ce conflit, s’est surtout révélée être une « minorité invisible ». Je les salue au passage s’ils me lisent (et si ils existent !).
3° Rôle fondamental des débats télévisés
Rentrant dans les détails du sondage qui comportait plusieurs questions, il apparaît notamment que 43% des sondés ont commencé à se mobiliser à partir des négociations télévisées du WTC. L’enquête confirme donc que ces débats ont bien provoqué un électrochoc citoyen dans la population. C’était certainement la première fois dans l’histoire de France que des débats d’une telle ampleur, réunissant toutes les acteurs de la société, ont pu être démocratiquement suivis par tous. A ce sujet, on ne peut que déplorer l’indifférence qui a accueilli la pétition lancée par Chien Créole pour exiger que les débats continuent à être diffusés en direct. Les 2500 signatures obtenues, remises par Jalton aux socioprofessionnels, aux représentants de l’Etat, aux élus et au LKP n’ont pas suscitées la moindre réaction, pas même de la part de cette dernière organisation !
4° Un rejet de la forme
Il apparaît également dans le sondage que les motivations de ceux qui ont rejeté le mouvement portent plus sur les conséquences ou effets collatéraux que celui-ci a pu entraîner plutôt que sur le fond des revendications : 37% de ceux qui sont contre mettent en avant leur rejet du blocage de l’économie, suivis à 36% par les inquiétudes sur la scolarité des élèves privés de cours; 29 % imputent au mouvement les débordements et dommages annexes et 28% se désolidarisent aussi à cause de la durée du conflit(5). 21% ont rejeté le mouvement parce qu’ils lui trouvaient une connotation raciste.
5° Perspectives et changements
Même s’il faudra attendre un certain temps avant de connaître les effets réels de cette grève sur le taux de chômage en Guadeloupe, 13% des personnes interrogées estiment que la grève aura ou a eu un impact direct sur leur emploi contre 61% qui pensent qu’il sera maintenu. Les plus durement touchés sont les indépendants. Lorsqu’on demande au panel de sondés ce qu'ils vont changer dans leur quotidien, 92% déclarent s’intéresser d’avantage aux actualités locales; 89% déclarent vouloir donner la priorité aux produits locaux et 85% disent qu’ils iront d’avantage sur les petits marchés; 64% affirment avoir d’avantage confiance en leur avenir et 70% ont plus confiance dans celui de la Guadeloupe. 55% estiment que l’évolution statutaire est nécessaire au développement de l’archipel mais ce résultat est à prendre avec la plus grande précaution car il convient de rappeler qu’en l’an 2000, à cette même question, 71% des sondés se déclaraient favorables à l’évolution. Ça n’a pas empêché ce projet d’échouer lamentablement au référendum de 2003.
6° Paradoxe
Enfin, les intervenants soulignent une contradiction sans doute lourde de sens pour l'avenir: 66% des sondés sont favorables à ce que les élus locaux aient plus de responsabilités alors que dans le même temps, ils ne sont que 37% à prétendre faire confiance aux élus locaux en place, comme le révèlera un sondage à paraître la semaine prochaine… Faut-il y voir un désaveu de la classe politique locale et une aspiration à un changement des personnalités qui dirigent la Guadeloupe ? L’avenir nous le dira.
Frédéric Gircour (trikess2002@yahoo.fr)
(1) Pour une population de 60 millions d’habitants, les instituts de sondage français interrogent en général 1024 personnes, Qualistat a réalisé son enquête auprès de 512 personnes pour une population d’environ 400 000 habitants.
(2) Par ex., la Guadeloupe compte 52% de femmes, 15% des Guadeloupéens habitent aux Abymes, etc.
(3) La commune était définie par rapport aux préfixes des numéros de téléphone et ensuite un ordinateur composait la fin du numéro de façon aléatoire.
(4) Les transporteurs avaient obtenu en décembre une première baisse du prix de l’essence après avoir bloqué pendant 3 jours les principaux axes de la Guadeloupe et ce dans la lignée d’un mouvement parti de Guyane
(2) Par ex., la Guadeloupe compte 52% de femmes, 15% des Guadeloupéens habitent aux Abymes, etc.
(3) La commune était définie par rapport aux préfixes des numéros de téléphone et ensuite un ordinateur composait la fin du numéro de façon aléatoire.
(4) Les transporteurs avaient obtenu en décembre une première baisse du prix de l’essence après avoir bloqué pendant 3 jours les principaux axes de la Guadeloupe et ce dans la lignée d’un mouvement parti de Guyane
(5) Sachant que cette durée n’est bien sûr pas du seul fait du LKP qui demandait à négocier dès le premier jour [NDLR]